République et libéralisme Est-ce quêtre
République et libéralisme
Historiquement au contraire, les révolutionnaires français de 1789 étaient plutôt libéraux. Les héritiers de Jean-Jacques Rousseau et des Lumières du XVIIIème siècle ne croient pas aux groupes, aux associations, aux corporations, aux ensembles. Ils croient en lHomme, en lindividu. Par exemple la loi le Chapelier et le décret dAllarde de 1791 suppriment les corporations artisanales et patronales, les associations de salariés et le compagnonnage. Ils le font en considérant que lhomme est libre, délié de toute attache. De même, la Déclaration de lHomme et du Citoyen est avant tout individualiste, sattachant aux libertés et aux droits de lindividu.
Economiquement, les républicains de 1789 sont également dessence libérale, croyant en linitiative personnelle et aux relations dindividu à individu.
A lépoque, et il en sera de même sous lEmpire, lEtat a peu dinfluence économique et sociale. Il nintervient que rarement dans ces questions, les considérant comme nappartenant pas à son domaine régalien de prédilection (maintien de lordre, diplomatie, armée
).
Pourtant, avec le développement industriel du milieu du XIXème siècle, les choses évoluent. Le strict libéralisme devient une arme aux mains des puissants.
Seule la théorie permet encore de déclarer quun contrat de travail par exemple nest, avec le développement du capitalisme, quun contrat libre entre deux individus égaux. Manifestement, lun lemployeur est largement plus égal que lautre.
LEtat doit donc intervenir dans la régulation sociale afin de protéger les ouvriers et encore plus les catégories les plus exposées (femmes, enfants, doù la loi de 1841). Le Second Empire sy emploiera avec ferveur (reconnaissance du droit de grève en 1864, développement des sociétés de secours mutuels, de lapprentissage réglementé par la loi de 1851
).
La République devient donc sociale (on peut citer ce tournant vers 1848 avec les Ateliers Nationaux de Blanc) face aux conservateurs forcément attachés au libéralisme, au refus de lEtat de réguler les rapports sociaux. Mais, après 1852, il est clair que les "républicains purs" nont guère de programme social. Ce volet est repris par les bonapartistes. Après 1870, les républicains puis les radicaux ne proposent pas véritablement de réformes sociales. Il faudra attendre la poussée électorale et syndicale des socialistes pour que les gouvernants républicains se penchent enfin sur ces questions cruciales.
En revanche, il est faux de considérer que la République ne peut être conçue que "de gauche".
Tout dabord, à quoi correspond vraiment cette notion?
A une orientation sociale? On a vu que des familles traditionnellement classées à droite, ce qui peut dailleurs se discuter, comme les bonapartistes ou les gaullistes développent une pensée et une action résolument sociales.
A une intervention économique? Même débat! Le libéralisme nest pas forcément lié à la "droite". Les plus attachés à lintervention de lEtat dans léconomie se retrouvent parmi les héritiers du saint-simonisme comme peuvent lêtre les bonapartistes. En revanche, des groupes classés "à gauche" comme les anarchistes, les libertaires
sont avant tout anti-étatistes et fédéralistes.
A la notion de démocratie? Celle-ci est désormais bien ancrée, à droite comme à gauche, ses ennemis ne se retrouvant quaux deux extrêmes, et ses principaux défenseurs prônant une démocratie directe style appel au peuple étant plutôt qualifiés de bonapartistes.
Quant à lintervention économique, les républicains de toute obédience doivent sen faire un credo, aussi fort que la défense de la souveraineté. Aujourdhui, un Etat libre, fort et indépendant se doit dêtre interventionniste sil veut conserver sa souveraineté.
Comment raisonnablement vouloir un Etat souverain si ce dernier abandonne à dautres (sociétés capitalistes, multinationales, groupes de pression
) une large part de ses prérogatives? Comment être indépendant si léconomie nationale dépend en grande partie des fonds de pension ou des trusts installés et dirigés hors du territoire national? Comment se faire respecter si les grandes décisions économiques, financières, monétaires, sociales
dépendent fortement de structures privées ou à statut international sur lesquels lEtat na pas prise?
Un républicain ne peut se définir ainsi que sil croit en un Etat, et que sil permet à cet Etat dagir en toute indépendance. Pour cela, il est nécessaire qu lEtat dispose dune puissance économique et quil intervienne dans des domaines qui ne doivent pas lui échapper (régulation économique, monétaire, fiscal, sociale..). En ce sens, le libéralisme apparaît comme une contradiction flagrante de la définition même de républicain.
Ni libéraux ni socialistes, les républicains doivent donc se retrouver autour du concept dintervention économique et sociale - de lEtat, de défense des services publics, détatisation des secteurs clés de léconomie (transports, énergie, armement
). LEtat doit disposer des moyens de son ambition.
Sil fallait trouver un synonyme moderne à "républicain", cest sans aucun doute autour de la notion dEtat (fort, interventionniste, respecté, à lintérieur comme à lextérieur) quil faudrait le chercher.
Thierry CHOFFAT
Vice Président de France Bonapartiste